[Archive RP] L'Abbaye de Saint-Félix de Montceau

Posté le: 18:57 Sam 07 Oct 2006

Elissa

Les deux femmes marchaient d'un pas tranquille... Elles avaient tout leur temps. Toutefois, Elissa ne tarda pas à remarquer le sire Eléïm, penché sur quelque parterre de fleurs, comme perdu dans ses pensées. Elle-même approcha ses lèvres de l'oreille de la dame de Talensac et murmura :

-"Veuillez m'attendre, je reviens bien vite."

Et avec diligence, elle retourna sur ses pas. Elle tira son épée de son linge, puis de son fourreau, griffonna un post-scriptum au dos de la lettre destinée à sa fille, y apposa de nouveau son scel et quitta enfin la cellule.

Elle pressa le bras de son amie, pour y puiser le courage de ne pas faillir. Puis elle s'avança vers Eléïm, majestueuse dans sa robe de velours vert foncé. Le soleil inondait son visage.

-"Mon ami, qu'Aristote vous bénisse. Je n'aurai point de temps à vous accorder ce jour, mais je vous en prie, agenouillez-vous."

Posté le: 19:13 Sam 07 Oct 2006

Eléïm

En entendant des voix derrière lui, Eléïm s'était retourné, il ne fut pas étonné de voir Dame Elissa venant à sa rencontre, mais c'est la femme qui l'accompagnait qu'il n'avait pas la joie de connaistre.

Celle-ci était trop éloignée d'Eléïm pour qu'il en appréciât ses traits, mais celle-là qui s'approchait maintenant seule devant lui -elle avait, d'une parole glissée tout bas, retenu les pas de celle qui semblait être son amie- était toujours magnifique, l'année de plus qu'on pouvait lui compter maintenant ne semblait rien avoir changé.

Eléïm vit la femme dégainer une épée, ce qui l'intrigua, et lorsqu'elle lui ordonna de s'agenouiller, il s'exécuta sans mot dire.

Posté le: 19:50 Sam 07 Oct 2006

Elissa

La Comtesse saisit le pommeau de son épée à deux mains. Elle ignorait si ce qu'elle faisait était correct, car elle ne savait absolument pas si la procédure de transmission de son fief avait déjà été validée à Paris. Mais comme elle détenait toujours son épée, Margot ne pouvait sans doute pas encore être considérée comme baronne de Bram.
Dans tous les cas, la lettre que sa mère lui avait adressée réglerait ces formalités administratives.

La lame reposa sur l'épaule du jeune homme.

-"La tendresse que la nature me donne pour le sire Eléïm Caerban, et beaucoup d’autres raisons qui augmentent considérablement ces sentiments, m'obligeant à lui en donner les marques, et lui donner des marques publiques de cette reconnaissance pour assurer son état, moi, Elissa Marianne Geneviève de Volpilhat, au titre de baronne de Bram, ai estimé nécessaire de l'élever au rang de seigneur, pour le soutien qu'il me fut dans les périodes les plus difficiles de mon existence, pour sa loyauté à toute épreuve, enfin pour l'amitié qu'il m'a toujours témoignée. Je le sais dévoué à toute tâche qu'il entreprend et noble de coeur."

La Comtesse s'interrompit. Elle tentait de ramener à sa mémoire les mots de ces patentes qu'elle avait tant étudiées lorsqu'elle était héraut.

-"A ces causes, et autres considérations à ce moi mouvant, de ma grâce spéciale, pleine puissance, et autorité baronnale, je déclare remettre le fief de "Villesiscle" entre les mains du susdit Eléïm Caerban, et tiens ledit fief pour seigneurie. La susdite personne prête serment d’allégeance envers ma personne pour le susdit fief.
Par voie de conséquence ladite personne prend le titre et le nom de "Seigneur de Villesiscle".

Je veux, ordonne et il me plait que ci-après, tant en jugement qu’autrement, et en tous actes particuliers et publics, la susdite personne soit tenue, censée et réputée comme je la tiens, possédant le susdit fief pour en jouir et disposer comme bon lui semblera, ainsi que des titre, honneurs, autorités, prérogatives, et préséances qu’il confère.

Qu’à ces fins ladite personne puisse et soit loisible de les tenir et posséder en ma baronnie et dans tout le Royaume de France, car tel est mon bon plaisir."

Elle s'arrêta enfin, attendant l'allégeance d'Eléïm, le coeur battant. C'était la première et la dernière fois qu'elle agirait ainsi.

Posté le: 21:47 Sam 07 Oct 2006

Eléïm

Le tableau était solennel, un rai de soleil illuminait les deux protagonistes de la cérémonie quelque peu improvisée. Eléïm, genou à terre, entouré des fleurs dont les moniales prenaient le plus grand soin, faisait face à Elissa, debout et droite comme un "i", le bras tendu portant épée. Quelques soeurs assistaient à la scène, de loin.

Le froid de la lame de l'épée traversa la chemise d'Eléïm tandis que la noble femme prononçait son discours. Son corps fut d'un frisson parcouru, tout autant causé par le métal que par la gravité de la situation.

Il leva les yeux vers Elissa tandis qu'elle entamait sa première phrase.

Ainsi allait-il devenir le vassal d'Elissa et occuper les terres de Villesiscle sur la baronnie de Bram, ainsi le nommerait-on "Seigneur de Villesiscle"...

Quand Elissa en eût terminé, il lui répondit avec toute l'emphase que l'usage imposait et le coeur battant:

-" Moi, Eléïm Caerban, fils d'Eusebius Caerban et de Bélissende Caerban prête allégeance devant témoin et devant Aristote à Dame Elissa Marianne Geneviève de Volpilhat.

Je lui jure fidélité et loyauté à elle ainsi qu'à sa fille Marguerite, qui, par le leg de l'épée Almade offerte à Dame Elissa lors de son propre anoblissement deviendra, si Dieu le veut, baronne de Bram.

Je jure de porter le nom de Seigneur de Villesiscle partout où mes pas me mèneront avec fierté et obédience.

Je jure de gérer le fief qui m'est accordé par le libre choix de Dame Elissa en sa baronnie de Bram avec dignité et en portant toujours plus haut le nom de ma Suzeraine. "

Puis, en ayant terminé, il attendit qu'Elissa l'invite à se relever.

Posté le: 21:59 Sam 07 Oct 2006

Elissa

La Comtesse lui tendit sa main, l'invitant à se relever. Elle garda cette main dans la sienne et dit :

-"L'usage eût voulu que je vous remette une épée... Néanmoins, je n'en ai point, et cette affaire ne se pouvait retarder encore."

Elle déposa Almade dans les mains d'Eléïm.

-"Allez à Bram, mon ami. Remettez cette épée à Margot ainsi que la lettre que je lui adresse et qui se trouve dans ma chambre. Elle saura réparer cet oubli et remplir les formalités nécessaires auprès de la Hérauderie."

Elle avala sa salive, s'efforça de sourire avec naturel et dit :

-"Vous trouverez aussi une lettre pour vous et une autre que je vous demande de faire parvenir à mon époux, puisque vous repartirez ce soir, je suppose.
La lettre qui vous est destinée, je vous en prie, ne l'ouvrez qu'une fois la nuit tombée."

Se retournant vers l'Abbaye, la Comtesse fit un signe à la dame de Talensac restée en retrait, l'invitant à s'approcher.

-"Maintenant, laissez-nous je vous prie... J'aimerais me promener et m'entretenir avec mon amie, qui a fait pour cela un long chemin."

Posté le: 22:21 Sam 07 Oct 2006

Eledwhen de Goanv

Eledhwen était restée silencieuse tout le temps de la cérémonie qu'elle avait observé de loin. Quand Elissa lui fit signe d'approcher, elle s'exécuta mécaniquement.

Elle rencontrait pour la première fois le seigneur Eléïm dont son amie lui avait parlé dans une récente lettre. Elle lui trouva une mine bien sombre pour sa jeunesse. Peut-être comprenait-il le tragique de la situation.
Emue de ne point trouver chez lui de candeur suffisante, elle lui adressa un sourire empreint de tendresse qui se voulait rassurant et dit dans une élégante courbette :

_ "Je suis charmée de vous rencontrer, Messire. Je me nomme Eledhwen de Goanv et suis l'amie de la votre depuis bien des mois déjà."

Posté le: 22:56 Sam 07 Oct 2006

Eléïm

Eléïm observa l'amie d'Eledwhen, elle avait un visage doux mais un air déchirant. Après qu'elle se soit présentée, il pencha la tête et effleura ses doigts de ses lèvres.

En posant les yeux sur ses mains et le début de son avant-bras, il remarqua d'étranges plaques colorés. Il s'en alarma quelque peu mais cette femme avait un si large sourire qu'il ne s'inquiéta vite plus et lui répondit:

-"Ah vous estes Dame Eledhwen de Goanv, je suis enchanté de vous connaistre également, Dame Elissa m'a beaucoup parlé de vous, et en bien encor."

Puis Eléïm dit au revoir à Dame Elissa qui devait partir en promenade avec son amie, et bien qu'il en eût très envie, il n'insista pas pour les accompagner : elles devaient tant avoir à se raconter.

Il la remercia encor, lui fit part de sa gratitude quant à son anoblissement et lui promit à nouveau de lui estre tout dévoué.

Eléïm savait qu'il devrait attendre longtemps avant de la revoir, il allait retourner à Montpellier ainsi qu'à Bram et Carcassonne avant de revenir la visiter en la Baronnie de la Gardiole. Il la regarda donc longuement avec tendresse, lui prit la main et la baisa et la recommanda à Aristote. Enfin avant de monter son cheval, il salua les moniales présentes et pria Eledwhen de prendre soin de son amie.

Puis le cheval se lança au galop dans une course effrénée.

Posté le: 22:58 Sam 07 Oct 2006

Elissa

Les deux femmes quittèrent le jardin. Elissa ne regarda pas en arrière. Elle ne songeait qu'à Aristote, le Très Saint... Elle n'osait croiser les yeux de son amie, et elles marchèrent longtemps vers le sud, sans un mot.

La promenade dura de nombreuses heures... Elles ramassèrent des fleurs, en firent des couronnes. Il semblait entendu qu'elles ne parleraient pas de ce qui les réunissait ce jour. Le ciel se couvrit. Elles arrivèrent alors à la mer, ou plutôt au bout de la terre : la mer était à quelques trente mètres sous leurs pieds.

S'avançant lentement jusqu'au bord, Elissa eut un regard pour ce vide et un instant le vertige la prit. Elle tourna ses yeux verts, enflammés, vers la dame de Talensac. Ils voulaient dire :

-"Notre voyage est fini. Merci d'accepter de porter sur tes épaules mon péché."

Posté le: 23:26 Sam 07 Oct 2006

Eledwhen de Goanv

Nul doute que si ces mots avaient du être prononcé, Eledhwen aurait répondu que le péché véritable aurait été de refuser son aide; car la demoiselle s'en étais persuadée, c'était bien une aide qu'elle avait décidé d'apporter à son amie.

Dans un semblant de cérémonie, la Dame de Talensac plaça une couronne de marguerites fraîchement confectionnée sur la tête d'Elissa. La blancheur des pétales se mariaient parfaitement avec ses cheveux de feu.
Les deux jeunes femmes se trouvaient à présent à un seul pas du vide et le vent du large venait caresser leur peau délicate que la noblesse avait fait pâlir.
Il faisait froid, ainsi perché. L'air marin s'engouffrait dans les vêtements de l'irlandaise, déposant sur son corps malade de légères caresses.

Après avoir observé les vagues dansantes, Eledhwen glissa lentement sa main dans celle de son amie. Puis elle se tourna tout à fait vers elle pour déposer un petit baiser sur sa joue de porcelaine.
Ses yeux, assèchés par la séparation avec l'amour de sa vie, n'avaient plus rien à donner. Elle ne pleura pas, même si le coeur y était cent fois.

Elle recula d'un pas pour placer Elissa entre elle et le bord de la falaise. Leurs bras étaient à présent tendus et leurs doigts enlacés. Le moment était venu. Le Très Saint Aristote s'impatientait d'accueillir son plus bel agneau et elle ne saurait le faire attendre davantage.

Sans la quitter des yeux, Eledhwen exerça une pression suffisante sur la main d'Elissa pour la faire reculer une ultime fois et défit ses doigts de son étreinte.

Posté le: 23:38 Sam 07 Oct 2006

Elissa

Elissa regarda au loin, la mer. Au delà, elle imaginait le pays arabe, ses déserts, ses mélopées… Le pays infidèle. L’air marin fit voler ses cheveux, sous la couronne de fleurs. Ses doigts entrelacés avec ceux de l’irlandaise, elle tourna le dos à la falaise.

Parsemé de nuages, le ciel finit par se dégager et le soleil parut.
La Comtesse ferma les yeux et l’imagina révolutionner, cet astre, dans le système aristotélicien, autour de la Terre, après la Lune, après Mercure, et avant Mars. Il appartenait à l’une des jolies sphères entourant la Terre, dans un orbe cristallin, et se déplaçait mollement, et tournaient lentement sur place, diffusant une musique qui envahissait le cosmos. Chaque sphère était mue par la suivante. Et la dernière, la dernière… Elle était nécessairement mue par Dieu, puisqu’il n’y avait pas de suite à cette sphère. Ainsi Dieu faisait-Il tourner le monde. L’univers, enfermé dans une confortable coquille tapissée de velours sombre piqué d’étoiles immuables, était fini, empli de matière. Elissa sentit une pression au bout de ses bras et ses pieds quittèrent le sol meuble. Il n’y avait ni infini, ni vide… Alors dans quoi flottait elle, les bras écartés, inondée de lumière, sa couronne de liseron comme une sainte auréole derrière ses cheveux de feu ? Etaient-ce les nues du paradis ? Elle sentait ses oreilles bourdonner, mais elles sonnaient comme les Chants des Anges… Le Cantique de la Sagesse lui revint furtivement en mémoire :

Je veux mourir pour tes beautés, Sagesse,
Pour ce bel oeil qui sait voir le destin,
Pour ce doux ris, pour la Cité enfin
De pierre et de bois, de la vie la Maîtresse.

Je veux mourir pour cette forteresse,
Pour les légumes de ce bien beau jardin,
Pour la rigueur de cette Juste Main,
Qui soigne les gentils, et les méchants blesse.

Je veux mourir pour le bon entretien
De cette mine dont le produit devient
Économie, cette richesse dispose.

Je veux mourir aristotélicien,
Donnant mon sang, la Cité défendant,
Protégeant la vie de la belle chose



« Aristote, toi qui est grand, bon et miséricordieux ! Ouvre-moi ton paradis, je t’en prie ! Je n’ai rien fait que vouloir te rejoindre… »

Elle pensait le crier, mais seule son âme désormais communiquait…

Posté le: 23:59 Sam 07 Oct 2006

Eledwhen de Goanv

Elissa devait être à la moitié de sa chute lorsqu'Eledhwen fit le saut de l'ange à sa suite. En effet, elle s'était avancée jusqu'au bord et, les bras tendus comme deux ailes, elle s'était laissée tomber dans le vide, ses beaux yeux grand ouverts pour ne pas perdre une miette de cette nouvelle et unique sensation.
Elle ne les ferma que la seconde qui précéda l'arrivée d'Elissa en bas, pour ne pas être la spectatrice de ce sanglant spectacle. Pendant le court temps qui lui restait, elle eut milles pensées pour Myrlin qu'elle aimait plus que la vie, pour ses amis les bretons qui l'avaient accepté sans la juger, pour son adorable neveu Reginhart à qui elle léguait sa Seigneurie de Talensac et une dernière pour le malheureux soupirant de son amie qu'elle venait de rencontrer.
Préférant mourir avec le souvenir de ses proches, elle ne donna aucune explication larmoyante au Saint Aristote pour l'acte irréparable qu'elle venait de commettre en son âme et conscience. Tous les mots du monde étaient vains.

Posté le: 0:03 Dim 08 Oct 2006

Elissa

Une bourrasque violente poussa le corps de la Comtesse comme une plume, à quelques mètres du bord. Un sourire illuminé s'étalait sur son visage.

Quand elle s’écrasa dans les flots, Elissa était déjà morte.

Posté le: 0:39 Dim 08 Oct 2006

Eledwhen de Goanv

Ladite bourrasque n'emporta pas la Dame de Talensac dans son sillage. Elle se contenta de retourner son corps comme une crêpe, quelques mètres avant le bas rocheux.
La jeune irlandaise avait les yeux rivés sur le ciel. Lui avait-il pardonné ?

Le dernier instant ne se fit pas attendre davantage et le choc fut des plus violents.


Le corps d'Eledhwen était à présent inerte. Ses yeux étaient fermés. De son crâne esquinté s'échappait une nappe de sang dont quelques gouttes ruisselaient le long de ses beaux cheveux d'ébène pour venir tâcher sa robe d'un bleu très clair, proche du blanc, le blanc du deuil.

Comme son visage était serein...